Tous les deux ans, le Séminaire français de Rome organise un colloque théologique sur les enjeux du ministère et de la vie des prêtres.
Ces rencontres s’adressent aux évêques, prêtres, diacres, séminaristes, responsables des vocations... Elles offrent l’occasion d’écouter des conférenciers de grande expérience et de dialoguer amicalement dans un contexte spirituellement porteur.
Poursuivant la série des colloques biennaux organisés par le Séminaire pontifical français de Rome, consacrés à des questions de spiritualité sacerdotale et de théologie du ministère, ce volume reprend les contributions échangées lors de la rencontre tenue les 13-15 février 2020. L’enjeu de la rationalité envisagé dans un souci pastoral, évan- gélisateur, s’inscrit dans la réflexion actuelle sur « Foi et raison », avec une implication concrète. Il s’agit aussi de poser un diagnostic sur notre monde supposé rationnel, dont on constate qu’il est plutôt habité par des rationalités diverses ou multiples, pas toujours conci- liables. Dans un tel contexte, la rationalité de la foi n’aurait-elle pas son mot à dire, avec prudence et modestie ? Et comment des prêtres, ministres d’un « culte rationnel » (Rm 12, 1), peuvent-ils situer leur ministère, au service des hommes et des croyants que le Verbe fait chair est venu sauver ?
Lorsque ce colloque eut lieu, on ne savait rien encore de l’épreuve qui allait bientôt frapper le monde, y déchaînant des peurs irrationnelles en même temps que des désinvoltures irresponsables. La pandémie de Covid-19, qui a meurtri les sociétés, qui a mis les idées en crise, qui a bouleversé l’exercice de la pastorale de l’Eglise, qui a fragilisé les psychismes, a également mis à mal la rationalité de notre monde, faisant apparaître un peu plus clairement les contradictions qu’un consensus scientifique apparent parvenait jusqu’ici à voiler. Cette terrible péripétie restera, douloureusement, comme le signe que le sujet traité en février 2020 n’était pas sans quelque chose d’urgent, voire de prophétique.
Le Pape François demande aux prêtres d’accompagner les personnes. Éloigné de ce que beaucoup espéraient, le Pape ne leur demande pas d’accorder des dispenses ou de donner à bon compte des passe-droits. Il s’oppose aux « contrôleurs de la grâce » (Amoris lætitia, 310) comme à ceux qui veulent amoindrir les exigences de l’Évangile (AL, 307). Il les renvoie dos à dos et propose une pastorale de discernement,d’accompagnement.
Il m’est apparu tout de suite que cette pastorale d’accompagnement et de discernement pouvait modifier l’emploi du temps habituel du prêtre, voire les organigrammes d’un diocèse. S’il est rapide de donner une réponse courte, en oui ou en non, permis ou défendu, il est bien plus difficile d’entrer dans un authentique discernement.
Les prêtres et les ministres ordonnés ne sont pas les seuls à entrer dans cette pastorale de l’accueil, de l’accompagnement et du discernement. Néanmoins, ils ont un rôle important en accomplissant eux-mêmes cette tâche, en s’aidant aussi les uns les autres et en promouvant autant qu’ils le peuvent cette pastorale. C’est en ce sens-là que mettre en œuvre une telle pastorale devrait modifier sensiblement l’agenda des prêtres et la compréhension même de la pastorale.
Il s’agit donc d’apprendre la patience et l’intelligence, celle du Seigneur Jésus, celle du cultivateur, celle du laisser croître… Dans cet accueil, cet accompagnement et ce discernement, notre vie de prière, notre vie spirituelle, notre relation au Seigneur sont particulièrement sollicitées.
P. Vincent Siret, Recteur
C’est maintenant presque une tradition pour le Séminaire pontifical français de Rome de proposer tous les deux ans un colloque théologique sur des questions concernant le ministère et la vie des prêtres. Du 4 au 6 janvier 2016, a eu lieu la troisième édition , qui a permis aux étudiants du Séminaire français (séminaristes, diacres, prêtres) auxquels se sont joints un certain nombre d’anciens et des invités francophones de Rome (membres de la Curie, enseignants, étudiants), d’écouter des conférenciers de grande expérience et de dialoguer librement dans un cadre, qui soit à la fois convivial et spirituel. Le thème choisi pour cette année s’est imposé facilement dans le contexte de l’année de la miséricorde voulue par le pape François : « Le prêtre miséricordieux (He 2, 17) : L’exercice de la miséricorde dans le ministère du prêtre ».
Pour illustrer la démarche proposée par le colloque et éviter sur une matière comme celle-ci une approche qui ne soit que trop théorique et purement intellectuelle, nous avons choisi de faire figurer sur l’invitation, la citation d’Ambroise de Milan : « Là où la grâce est offerte, le Christ est présent ; là où s’exerce la sévérité, il n’y a que des ministres mais Jésus est absent ».
Citée à plusieurs reprises par le pape François, elle nous rappelle que la miséricorde dans le ministère du prêtre ne peut être un simple objet d’étude mais une attitude fondamentale et une pratique.
« Tout pouvoir m’a été donné, de toutes les nations faites des disciples » dit Jésus ressuscité à ses Apôtres, leur donnant ainsi de partager son extraordinaire pouvoir pour le salut du monde. Cependant combien de fois a-t-il aussi dû les exhorter à se situer en humbles serviteurs : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ». Plus encore, Il leur a donné l'exemple, témoignant par toute sa vie, lavant les pieds de ses disciples, aimant jusqu'à mourir sur la Croix : « C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez comme j’ai fait pour vous. »
Comment exercer ce service de l’autorité, quand on est un homme fragile, marqué par le péché, pauvre parmi les pauvres ? Cette question, déjà bien présente dans le Nouveau Testament, traverse toute l’histoire de l’Eglise et se pose à chaque pasteur. Entre la tentation de l’autoritarisme qui voudrait tout régir, prenant la place même de Dieu, et celle de la démission du berger muet qui n’assume pas ses responsabilités, l’exercice du munus regendi est particulièrement délicat. Il suppose une juste perception de la mission du prêtre, du mystère de l’Eglise dans le respect des différentes vocations qui en font la beauté, mais aussi force spirituelle et équilibre humain. Le Christ, cet homme qui parle et agit avec autorité, nous montre combien ce service conduit au cœur du combat spirituel jusqu’à l’offrande totale de la croix.
Comment articuler ces différentes dimensions de la vie du prêtre ? Comment trouver le juste équilibre en assumant avec courage ses responsabilités, sans se positionner en dehors ni au-dessus de l’humanité, mais en étant à son service, à la suite du Christ ? C’est en se situant avec justesse et sérénité dans l’Eglise que les prêtres et futurs prêtres trouvent l’unité intérieure et la cohérence de vie qui sont sources de paix, de joie et surtout de fécondité apostolique.
Pour approfondir ces questions, le Séminaire français de Rome a organisé un colloque de trois jours au début du mois de janvier 2012, réunissant évêques, prêtres et séminaristes. L’approche a été à la fois théologique, humaine, spirituelle et pastorale. Par ce livre, nous voulons ouvrir à d’autres, tant prêtres que laïcs, cette réflexion qui aborde des questions essentielles pour comprendre la vocation du prêtre et l’aider à vivre sa magnifique mission.